“Ce pavillon des folies que nous appelons la vie” : Alessandro Michele dévoile son premier défilé pour Valentino
Il faut continuer la phrase du titre “Pavillon des Folies” qu’Alessandro Michele a donné à sa premiè...
Il faut continuer la phrase du titre “Pavillon des Folies” qu’Alessandro Michele a donné à sa première collection prêt-à-porter pour Valentino. Elle figure dans une longue lettre inaugurale que le créateur offre en postulat de son défilé. Le plus attendu des défilés parisiens et sans doute de tout ce mois de Fashion Week, où de Carla Bruni à Elton John, de Harry Styles à Jared Leto… Tous étaient présents pour ce commencement. François Henri-Pinault accompagné de Salma Hayek était aussi front row, Kering ayant acquis une participation dans la maison.
Ce qu'il faut retenir du premier défilé d'Alessandro Michele pour Valentino
Une lettre intense, ode à la beauté. La beauté comme un remède à nos vies contingentes et tumultueuses. C’est retrouver tout le souffle romantique et romanesque de ce créateur adepte du “unquiet luxury”. Ressentir, se remplir d'émotions, avoir d'ineffables moments. Être contemplatif tout simplement. C’est tout le but de son propos, lui qui s'enthousiasme d’ouvrir les fenêtres de Valentino, où désormais il travaille pour admirer “la place Vendôme dit-il. Je regarde l'Obélisque, les nuages changeants, les toits…” Ou encore, comme il l’écrit dans cette fameuse lettre : “Il s’agit (...) de l’odeur de la terre humide, de la caresse d’un volant d’organza, du miracle des bibliothèques, du glacis subtil d’une aquarelle.”
Aux confins du XIVe arrondissement de Paris, le défilé a lieu au Dojo de Paris, l'institut du judo, dont l’espace a été intégralement recouvert de drapés de toiles. Un enchevêtrement de sièges, fauteuils et sofas dépareillés servent de seatings exclusifs, ainsi qu’un fouillis de meubles et d'objets protégés par des draps comme dans ces grandes maisons qui attendent un nouveau propriétaire, l’impression d’être ceints de fantômes bienveillants. Une scénographie qui impose de fait un temps calme et la musique qui accompagne son showparfait cette atmosphère de pénombre sereine, sorte de barcarolle modernisée, “Passacaglia della Vita”, une chanson du XVIIe siècle sur la nature cyclique de l'existence, où les voix très douces de Birds on a Wire psalmodient en italien, français et anglais que lorsque “la vie est noueuse et parfois menteuse, il faut se réjouir…”
C’est vrai que l’on pourrait rester d’infinis moments assis là, au son de cette berceuse douce-amère à regarder la multitude et la diversité de ces passages, plus de 80 en tout. L'exubérance stylistique d’Alessandro Michele est réjouissante et “la frivolité n’a rien d’inutile” comme dit le créateur. Dans cette ambiance de sereine abondance, il se réfère au fondateur qui “créait pour ses amis et affinités électives”. Des passages comme autant de personnages fantasques, gracieux, parfois mélancoliques. Impossible de décrire, ce ne serait qu’une longue litanie de dentelles, de blouses fragiles, de déshabillés brillants, de paletots et boléros adorables, de soie et de mousseline. Valentino se niche dans les nombreuses jupes et robes à volants, les pois en ponctuations rebelles, le rouge frénétique d’une collerette ou d’une sophistiquée robe longue. De la tête aux pieds, des ornements : voilettes, nœuds rivetés à la chevilles, strass et boas, grands chapeaux surmontés de longues plumes, turbans soyeux…
Alessandro Michele ne lâche rien de la silhouette, baroque, constellée. Et chaque passage est un entier paysage, lui qui avoue “travailler comme un détective.” Il aime les archives bien sûr : “Elles sont comme un voyage et il faudrait sans doute dix vies pour aller au bout de Valentino.” Il parle de la beauté comme étant la “consolation du rêveur”. Durant un moment, Alessandro nous a permis de pencher notre tête sur son épaule et ainsi de rêver avec lui.