Rencontre avec Emma Becker : “Le livre est à la fois le crime et l'excuse”
“Il me semble a posteriori que tout allait bien quand j'ai rencontré Antonin pour la première fois”....
“Il me semble a posteriori que tout allait bien quand j'ai rencontré Antonin pour la première fois”. Mais Emma, la narratrice, va vouloir le revoir. La passion, dans ce qu'elle a de plus cru et implacable, va s'abattre sur elle. Sur lui. Et le monde qui les entoure, sans que personne ne le saisisse immédiatement.
Dès les premières lignes, on est tombé en amour avec Le Mal joli, le sixième roman d'Emma Becker. Une nouvelle démonstration bluffante de la puissance de son autofiction, tant affective que sensuelle, et plus politique qu'il n'y paraît… Autour d'un café et de menthe à l'eau, après avoir croisé également ledit Antonin, conversation aussi captivante que ce Mal joli dévorant de sensualité, de sentiments, d'exaltation assumée et, surtout, extrêmement bien écrit. L'un des plus beaux récits jamais écrits sur l'adultère envisagé d'un point de vue viscéralement féminin.
Entretien avec l'écrivaine française Emma Becker
Vogue. Pourquoi ce titre, qui paraît bien plus poétique qu’il n’y paraît, Le Mal joli ?
Emma Becker. Pendant l’écriture du livre, je discutais avec ma mère de l'accouchement. Elle m'a parlé de ce terme d'obstétrique : le ‘mal joli’, formule que je trouvais assez ravissante, boursouflée d'une certaine condescendance, bien entendu, mais il y avait un parallèle intéressant. D’un côté, cette souffrance du travail de l’accouchement. N'importe quelle femme qui a eu un enfant se souvient de cette transe abominable avant d’avoir – ou non – la péridurale. On se sent seule, on se dit qu’on va claquer, mais cette douleur est intéressante en ceci que vous êtes seule face à vous-même. De l’autre côté, la passion, où l’on est tout autant seule : personne ne peut réellement comprendre ce que vous vivez. Parce que le drame et la magie de l'amour, c'est qu'une fois que c'est fini, on oublie, l'embrasement puis la douleur. Ça nous laisse un souvenir vague qu’on peut essayer de recomposer, mais sans le ressentir dans sa chair. Et il y a ce dernier point commun : quand ils nous parlent de l’amour, les gens ont toujours tendance à vous dire : “Quelle chance, c'est merveilleux d'être amoureux !” et quand ils évoquent l’accouchement, s’épanchent autant sur le bonheur du bébé à venir. Oui, mais il y a un moment où on se demande si on ne va pas craquer !